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Venezuela Infos - Thierry Deronne

Prisonniers d’une image du monde de plus en plus étriquée, sous l’emprise de grands groupes privés, les médias occidentaux ne s’activent plus que pour relayer les annonces de “possible chute” de gouvernements progressistes (“la présidence de Kirchner minée en Argentine”, “La présidente Dilma Roussef fragilisée par un scandale de corruption”, etc..) (1). Mais depuis l’époque du coup d’État contre Salvador Allende et du Plan Condor, l’Amérique Latine a changé. Elle n’est pas disposée à revenir en arrière ni à tolérer les techniques post-modernes de “rollback”.

Réunion de Nicolas Maduro et Ernesto Samper (UNASUR), Caracas le 4 février 2015

Les chanceliers de l’Union des Nations Sud-américaines (UNASUR) – organisme qui rassemble les douze nations d’Amérique du Sud (2) – se réuniront à Quito la semaine prochaine pour répondre à la déstabilisation en cours contre le Venezuela. Le 4 février, l’ex-président colombien Ernesto Samper, actuel Secrétaire Général de l’UNASUR, s’est réuni à Caracas avec le président Maduro pour préparer une initiative diplomatique vis-á-vis de Washington. Au sujet de la persistante ingérence des États-Unis, Samper a déclaré : “Je veux réitérer publiquement la position de l’UNASUR qui repose sur sa Charte Constitutive et sur sa Clause Démocratique (2), une position absolument claire et forte : toute tentative de déstabilisation contre une démocratie et contre un gouvernement sera rejetée unanimement par les pays membres de l’UNASUR”. Lors de tentatives antérieures de déstabilisation au Venezuela, en Bolivie ou en Equateur, l’Unasur avait déjà montré sa capacité de réaction et de mobilisation (3).

En 2014 les violences organisées au Venezuela par des groupes d’extrême droite et des paramilitaires infiltrés depuis la Colombie furent présentées par les médias internationaux comme des “manifestations étudiantes réprimées par le gouvernement”. Elles firent 40 morts – la plupart dans le camp bolivarien et parmi les forces de l’ordre. La majorité de la population, y compris des classes aisées, ainsi que des étudiants (ceux-ci bénéficient aujourd’hui de la démocratisation et de la gratuité de l’enseignement supérieur) rejetèrent ces violences circonscrites aux quartiers chics de Caracas et à la frontière avec la Colombie. Convaincus que la mort de Chavez signifierait la fin du processus bolivarien, les États-Unis et leurs relais régionaux n’ont pas pour autant renoncé à mettre en oeuvre leur “plan chilien” – attentats, violences de rues, sabotage économique. Faute d’une vraie base sociale et électorale, la minorité politique planifie de nouvelles violences en 2015. “Nous prévoyons que les organisations étudiantes et l’opposition politique vont organiser des protestations dans les mois précédant les élections législatives” a déclaré le 3 février 2015, à la Commission des Affaires Militaires de la Chambre des réprésentants, le général Vincent Stewart, directeur de l’Agence d’Intelligence du Département de la Défense. Stewart a évoqué “le mécontentement de la population, la pénurie de produits, la criminalité effrénée et les tactiques autoritaires du gouvernement” – synthèse parfaite de l’agenda médiatique occidental.

Occulté par les grands médias, le sommet historique des 33 gouvernements latino-américains et caraïbes de la CELAC (Costa Rica, 28-29 janvier 2015) a lui aussi rejeté les tentatives de reprise de contrôle de la région par Washington (4). Cette réunion plénière a vu la transmission de la présidence pro tempore du Costa Rica à l’Équateur, le président Correa félicitant le Costa Rica pour le succès du rapprochement diplomatique et économique de la CELAC avec la Chine, concrétisé lors du sommet de janvier 2015 (4).

Sommet de la CELAC, Belen, Costa Rica (28-29 janvier 2015)

Au nom de la CELAC, le mandataire équatorien a exigé l’arrêt des guerres économiques de la droite au Venezuela – l’accaparement, la spéculation, la contrebande et la pénurie organisés pour créer le chaos dans la société et renverser des gouvernements légitimes. « Nous en avons assez des guerres économiques contre des pays comme le Venezuela » a déclaré le président équatorien, qui a ajouté que ces actions « nous rappellent assez la guerre économique de la bourgeoisie chilienne contre Salvador Allende, quand ils se sont rendus compte qu’ils ne pouvaient pas vaincre dans les urnes, largement battus aux élections législatives de mars 1973« .

« Frère Maduro, toute notre solidarité. Nous comprenons qu’après avoir échoué dans leur agression politique, ils en sont venus á l’agression économique. Mais ils continueront à échouer parce que nos peuples sont unis » a déclaré pour sa part le président Evo Morales. « Quand les peuples connaissent leur destin, leur projet se nourrit des principes que nous ont laissés nos ancêtres. Quand on s’unit pour défendre la démocratie, la vie, la paix, il n’y a aucune force qui nous fait plier, ni empire qui puisse nous vaincre » a poursuivi le mandataire bolivien.

Rencontre des présidents du Venezuela et de Bolivie, sommet de la CELAC, 29-28 janvier 2015.

Le président du Nicaragua, Daniel Ortega, a déclaré: « Nous n’oublions pas les preuves de l’implication des États-Unis dans le coup d’Etat contre Chavez, contre ce processus de liberté, de souveraineté, de générosité, et ils continuent à conspirer. Nous voyons clairement comment ils essaient de répéter l’histoire du Chili avec le Venezuela. Ils appliquent le même schéma, ils veulent que cela finisse avec un coup d’Etat militaire, sanglant et brutal ».

Le président de Cuba Raúl Castro a exprimé “une condamnation énergique des sanctions unilatérales inacceptables et injustifiées imposées à la République Bolivarienne du Venezuela et de l’intervention extérieure permanente destinée à créer l’instabilité dans cette nation soeur”, ajoutant que Cuba “connaît bien toutes ces histoires profondément pour les avoir supportées pendant plus de 50 ans« .

Le chancelier argentin, Héctor Timerman, a manifesté lui aussi la solidarité de son pays face aux attaques des Etats-Unis et de ses sanctions contre le Venezuela, violatoires du droit international.

Souscrits par tous les pays, les 94 points du document final de 22 pages (5) mettent également l’accent sur la lutte commune contre la pauvreté avec des objectifs quantifiés à l’initiative du président Correa, insistent sur le renforcement de la coopération Sud-Sud et d’une politique multipolaire renforcée en particulier avec le BRICS, (Brésil, Russie, Chine, Afrique du Sud), l’Union Africaine et la Ligue Arabe. La CELAC se prononce aussi pour l’intégration de Puerto Rico – jusqu’ici protectorat des États-Unis – comme membre de plein droit de la CELAC, défend le droit des pays Caraïbes à bénéficier de réparations de la part des puissances esclavagistes, réaffirme sa solidarité avec l’Argentine face aux “fonds vautours”, exige la fin du blocus contre la République de Cuba, au-delà des mesures annoncées par Washington.

Dans la foulée du rapprochement CELAC-Chine, la présidente argentine Cristina Fernandez de Kirchner a déclaré le 4 février depuis Beijing : “le monde unipolaire a pris fin; nous entrons dans une ère nouvelle de multipolarité dans laquelle les nations émergentes jouent un rôle de plus en plus prépondérant dans les desseins de l’humanité et dans la construction d’un monde plus juste et plus équitatif”.

Notes :

(1) Voir “Alerte sur la campagne de ‘déstabilisation’ contre le gouvernement argentin”, http://www.elcorreo.eu.org/Alerte-sur-la-campagne-de-destabilisation-contre-le-gouvernement-argentin?lang=fr et “Dilma Rousseff, la présidente du Brésil, pays membre des BRICS, est la prochaine cible de Washington”, http://www.elcorreo.eu.org/Dilma-Rousseff-la-presidente-du-Bresil-pays-membre-des-BRICS-est-la-prochaine-cible?lang=fr

(2) L’Unión de Naciones Suramericanas (Unasur) est une organisation internationale créee en 2008 pour impulser l’intégration régionale en matière d’énergie, d’éducation, de santé, d’environnement, d’infrastructure, de sécurité et de démocratie. Cette instance regroupe l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, la Colombie, le Chili, l’Équateur, le Guyana, le Paraguay, le Pérou, le Surinam, l’Uruguay et le Venezuela. Le Panama et le Mexique sont membres observateurs.

(3) Signée en 2010, cette « Cláusula democrática » est destinée à protéger les membres de l’Unasur contre les coups de force menés contre l’ordre constitutionnel. Voir “L’Union des Nations Sud-américaines (Unasur) demande à l’opposition vénézuélienne de reconnaître la décision des électeurs et va enquêter sur ses violences”, https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/04/19/lunion-des-nations-sud-americaines-unasur-demande-a-lopposition-venezuelienne-de-reconnaitre-la-decision-des-electeurs-et-va-enqueter-sur-ses-violences/

(4) Sur l’essor et les précédents sommets de la CELAC, voir “Le BRICS, l’Unasur et la CELAC dessinent une nouvelle carte du monde multipolaire”, https://venezuelainfos.wordpress.com/2014/07/26/le-brics-lunasur-et-la-celac-dessinent-une-nouvelle-carte-du-monde-multipolaire/ ; et “IIéme sommet de la CELAC à la Havane : retour en force de « l’équilibre du monde » de Bolívar et de Martí”, https://venezuelainfos.wordpress.com/2014/02/01/iieme-sommet-de-la-celac-a-la-havane-retour-en-force-de-lequilibre-du-monde-de-bolivar-et-de-marti/

(5) Voir “L’unité latino-américaine comme projet historique”, https://venezuelainfos.wordpress.com/2015/01/14/lunite-latinoamericaine-comme-projet-historique/

(6) Traduction intégrale de ces accords: Cuba Si France Provence.

SOURCE: https://venezuelainfos.wordpress.com/2015/02/05/lamerique-latine-serre-les-rangs-autour-du-venezuela-les-etats-unis-isoles-avec-declaration-integrale-du-sommet-de-la-celac/

L’Amérique Latine serre les rangs autour du Vénézuéla : les États-Unis isolés (avec déclaration intégrale du sommet de la CELAC)
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